mercredi 23 mars 2011

Black Swan (Aronofsky, 2011)

Entre chef d’œuvre halluciné de paranoïa ("Pi"), très bon film choc estampillé Hubert Selby Jr (« Requiem for a Dream »), divagations esthético-oniriques en perdition (« The Fountain ») et retour à des bases plus classiques sacrément efficace (« The Wrestler »), l’œuvre d’ Aronofsky se cherche, se construit, patine parfois. « Black Swan » serait-il enfin l’aboutissement de la première moitié de carrière d’un des cinéastes les plus doués de ces dernières années ? L’œuvre qui enfin égalera ou dépassera l’obscur mais génial « Pi » en s’érigeant au rang de futur classique ?

Après 5 minutes on reconnaît déjà la réalisation syncopée et nerveuse habituelle, qui bien qu’ayant ses limites happe rapidement le spectateur pour ne plus le lâcher. Entre beauté et oppression, les images nous happent et nous maintiennent en haleine, prisonnier des émotions véhiculées à l’écran. C’est là la première limite de Black Swan, cette impression d’être téléguidé, spectateur passif face au déroulement certes virtuose des images sur l’écran. La finesse n’est pas la principale qualité d’ Aronofsky, l’omniprésence (de la pourtant très belle) bande-son en est une illustration sans pour autant être une surprise. Mais si le réalisateur se plait indubitablement à manipuler son spectateur, il le fait avec un grand talent de réalisation, de mise en scène et de direction d’acteurs qui gomme bien des défauts. C’est donc abasourdi que l’on assiste aux dernières séquences, irrésistiblement belles et cruelles à la fois. Une fois de plus, la claque prévue est au rendez-vous. Mais lentement, les images s’estompent, les personnages d’une insuffisante profondeur s’évaporent et les images chocs disparaissent. Reste un très bon film, qui aurait mérité un peu plus de subtilité et de psychologie pour s’apparenter au chef d’œuvre… C’est là finalement toute la différence avec une œuvre comme le « Ruban Blanc » d’Haneke, sobre et réellement éprouvante, plus subtile et profonde : un véritable chef d’œuvre pour la peine, même si Aronofsky est lui-aussi d’écrire une belle page de cinéma.