lundi 3 septembre 2012
L'Arc (Kim Ki-Duk, 2005)
En dehors du temps, de la morale, du monde extérieur, l’Arc déroule sa poésie à la manière d’une fable triste et muette. Rythmée par le frémissement des vagues, l’œuvre de Kim Ki-Duk enrobe et berce, nous emplit de sa poésie lancinante. Comme souvent chez le cinéaste Sud-Coréen, les paroles se font rares, comme pour mieux souligner l’incompatibilité des personnages principaux avec le monde extérieur. Souffrant de quelques passages ratés, d’une fin trop ostentatoire et d’un symbolisme exagéré bien qu’envoutant, l’Arc n’en reste pas moins une œuvre rare et belle, un poème ambigu, contemplatif et envoûtant.
jeudi 8 mars 2012
Ghosts… of the Civil Dead (Hillcoat, 1988)
John Hillcoat plante rapidement le décor : long travelling sur le désert australien pour se fixer ensuite sur une prison haute-sécurité. De celle-ci on ne sortira plus. Ou presque. Car au-delà du quasi huis-clos que représente la suite du film, c’est aussi et surtout l’immersion progressive dans l’univers carcéral qui nous enrobe, jusqu’à la claustrophobie, jusqu’au cauchemar. Cette réussite doit moins au scénario somme toute assez classique, qu’au parti pris formel ambitieux et rigoureux du réalisateur : cadrage carré et symétrique, mouvements lents, réalisation clinique, addition de différentes séquences distinctes. À ce travail sur l’image s’ajoute une narration qui joue assez habilement la carte du documentaire (voix off, extraits télévisés, sous-titrage de présentation). Mais le véritable tour de force de l’œuvre, c’est de dépasser ce réalisme quasi-documentaire en y intégrant une bande-son hallucinée et cauchemardesque, mêlant cris lointains, musique hypnotique, pensées des personnages et dialogues. Progressivement, la tension s’installe, la prison nous absorbe, dangereuse et claustrophobe, effrayante et sans issue. Nul soupçon d’espoir ne viendra contrebalancer le tableau, nul chaleur ou sympathie ne se dégage des personnages déshumanisés, sans passé ni futur, évoluant au sein de ce microcosme au fonctionnement animal. La démonstration est implacable, l’accusation s’élève progressivement, mais le propos reste empreint de nihilisme. Entre documentaire et film d’horreur, Ghosts… of the Civil Dead est une œuvre originale et puissante, à classer parmi les meilleures réalisations traitant de l’univers carcéral.
mercredi 8 février 2012
Ex Drummer (Koen Mortier, 2007)
Petit frère dégénéré de Trainspotting et des Pusher avec qui il partage idées formelles et scénario sur fond de misère sociale, cousin lointain de C’est arrivé près de chez vous dont il surclasse le cynisme et l’humour noir, petit-fils des films gore auxquels il emprunte scènes trash et dialogues extrêmes : Ex drummer est une déflagration, un brûlot punk qui ne s’embarrasse de rien, ose tout. Et renvoie ses frères, cousins et ancêtres cinématographiques aux oubliettes. En poussant plus loin le dégueulasse, la subversion, la provoc. En filmant le fond des bas-fonds, en mettant en scène des personnages hallucinés dans ce véritable volcan de morbide jubilatoire. En stylisant le propos, jouant avec la caméra et transperçant nos tympans avec une bande-son punk-rock-noise sous forme de déflagration sonore jouissive. Oui, Koen Mortier repousse les limites de l’outrance, avec folie et talent. Avec également un certain romantisme qui parsème cet objet furieusement nihiliste et absurde, malsain et drôle, provocateur et virtuose. Jusqu’au boutiste. Bruyant. Simplement punk.
mercredi 25 janvier 2012
Ils (Moreau, Pallud, 2006)
« Ils » ne prétend pas réinventer le genre du film d’horreur, et c’est tant mieux. Car ce qui fait la force du film, c’est sa modestie, sa sobriété qui se mue en intelligence pour digérer et utiliser à bon escient les rouages de la peur. En ne s’embarrassant d’aucune fioriture scénaristique superflue, l’œuvre de David Moreau et Xavier Palud va directement à l’essentiel, sans explications (pseudo) psychologiques ou sentimentalisme inutile. La recette fonctionne, portée par une mise en scène nerveuse, des décors sombres et des bruitages inquiétants. Et le film a surtout l’intelligence de ne pas dévoiler son genre en flirtant quasiment jusqu’au bout avec le surnaturel, jouant habilement avec le spectateur et ses nerfs. Une belle découverte.
jeudi 19 janvier 2012
Midnight in Paris (W. Allen, 2011)
Woody Allen aime passionnément Paris, cela se sent. Au point d’en ressasser tous les clichés l’espace d’un film ? On n’est en effet pas loin du compte : les images et décors façon carte-postale de cette capitale propre sur elle, calme et exempte de tout défaut sont bien loin de la réalité. Mais ce regard quelque peu béat et manquant de verve se pardonne en partie par l’essence même du film, conte (pseudo) philosophico-romantique qui ne s’embarrasse pas d’un regard critique ou réaliste. Malgré des personnages (historiques ou non) caricaturaux et un humour bien moins cinglant qu’à l’accoutumée, on se laisse vaguement prendre au jeu, et, malgré les grimaceries exagérées de l’acteur principal, on passe un agréable moment.
mercredi 11 janvier 2012
Rhum express (Hunter S. Thompson)
De cuite en cuite, bouteille de rhum après bouteille de rhum, on suit l’alter-ego d’Hunter S. Thompson, le journaliste Paul Kemp, dans ses aventures portoricaines se résumant souvent à un but : trouver des glaçons. Pour le rhum, évidemment. Durant ces pérégrinations alcoolisées plantées dans un décor qui n’est pas sans rappeler celui d’ « Au-dessous du volcan », on plonge dans un pays en pleine mutation, s’abandonnant à une furieuse et sauvage douceur de vivre opposée aux impératifs financiers à l’américaine qui s’immiscent dans la vie de tous les jours. Au-cœur de cet endroit, des journalistes ratés mais hauts-en-couleurs, des touristes débraillés, des autochtones hostiles voire dangereux, une jeune fille américaine sensuelle et insouciante. Et surtout Paul Kemp, trentenaire déchiré entre son désir de liberté et sa peur de n’être qu’un raté, narrateur portant un regard sans complaisance mais empreint de sympathie pour la folie des autres et la sienne. Dans un style d’écriture journalistique qui n’est pas sans rappeler la plume d’Hemingway, Hunter S. Thompson porte un regard mélancolique sur une tranche de vie intense et folle dont la fin relève autant du soulagement que de la nostalgie, tandis que s’opère le glissement inéluctable vers le sordide.
lundi 9 janvier 2012
La guerre est déclarée (Donzelli, 2011)
Un couple et leur bébé atteint d’une tumeur. Des acteurs qui jouent leur propre rôle dans une comédie dramatique autobiographique. Autant dire que l’on pouvait craindre le pire au regard de ces quelques éléments. Et pourtant. « La guerre est déclarée » se révèle être une superbe réussite, le film réussissant toujours (ou presque) à s’extirper des pièges inhérents au traitement d’un tel sujet. À savoir le pathos, la facilité, un scénario engloutissant toutes velléités cinématographiques. En se dotant d’une mise en scène audacieuse mais subtile, Valérie Donzelli évite la standardisation par le bas inhérente à ce type de films (et à 95% des « comédies françaises »). En y ajoutant un jeu d’acteurs parfait, la réalisatrice donne à son œuvre la crédibilité sans laquelle le traitement de sujets semblables tombe inévitablement dans les clichés les plus dérangeants. Enfin, en évitant d’aborder le sujet de manière frontale, en préférant conter une simple histoire d’amour pour laquelle la maladie n’est finalement qu’un révélateur, en parsemant de touches drôles et subtiles un sujet difficile, elle réussit à faire de ce film un petit bijoux magnifié par une bande-son originale et immersive. Une belle et triste histoire portée par une ambition cinématographique intéressante sans être tape à l’œil.
jeudi 5 janvier 2012
Exit le fantôme (Philip Roth)
Dans la continuité de ses derniers livres (« Un homme », « La bête qui meurt »), « Exit le fantôme » se révèle être une sorte de fourre-tout pour Philip Roth qui y aborde à la fois ces thématiques habituelles (société bourgeoise juive-américaine, relations amoureuses, satire sociale), mais aussi ses démons plus récents (affres de la vieillesse, maladie, décrépitude du corps). Malgré un style fluide, l‘écriture du romancier américain peine à atteindre la force acerbe et la subtile intelligence caractérisant ses meilleures œuvres. La faute non tant à la richesse et à la variété des thèmes abordés, mais plutôt à une plume certes toujours agréable, mais moins virtuose qu’à l’accoutumée. La révolte face au vieillissement est un combat perdu d’avance, et le désespoir palpable accompagnant la lecture nous renvoie à la véracité de la réalité : vieillissant et sans illusions, semblable à son alter-ego romanesque, Philip Roth se réfugie dans ce qui lui reste, l’écriture… Et cet humour désabusé qui (lui) permet de survivre…
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