lundi 19 avril 2010
Coeurs (Alain Resnais, 2006)
Cœurs est un film déroutant. Comme un plat qui ne révèle toute sa saveur qu’après sa digestion, l’œuvre d’Alain Resnais vaut surtout pour l’arrière-gout qu’elle laisse en bouche, teinté de solitude et de mélancolie. Car pendant la dégustation, on est gêné par ce jeu d’acteur théâtral et sur-joué qui par son manque de crédibilité empêche d’entrer vraiment en osmose avec les personnages, avant que finalement l’atmosphère onirique et inventive ne nous emporte… dans nos songes, puisque le générique de fin défile alors devant nos yeux… Et tout comme ces personnages qui interagissent sans parvenir à réellement se toucher dans leurs tentatives terriblement vaines pour approcher l’un l’autre, on reste comme étranger à ce film dont la saveur douce et triste nous poursuit pourtant, comme si ses arômes ne se diffusaient qu’après-coup.
vendredi 16 avril 2010
Prova d'Orchestra (Fellini, 1978)
De par sa durée (1h10 seulement), de par son petit budget, de par son support (la télévision), de par surtout la place qu’on lui accorde parmi les films de Fellini, on pourrait penser que « Prova d’Orchestra » est une œuvre mineure. Et pourtant, même si on n’atteint pas tout à fait le vertige que procurent les plus grands chefs d’œuvre du maestro, cette répétition d’un orchestre filmée sous forme de huis-clos se révèle être un petit bijou. Fellini n’a d’égal pour capter la vie d’une foule, ses bruits, ses mouvements. Véritable microcosme de la société, l’orchestre transparaît dans toute sa diversité, où les instruments sont comme autant de moyens d’expression qui se concurrencent au gré des petites jalousies et des piques plus ou moins acerbes. Chacun amène ici avec soi ses problèmes, son humeur, ses tares. L’opposition avec le chef d’orchestre est vite flagrante, celui-ci est étranger, sérieux, colérique. Fellini observe ses personnages, n’occulte aucun des leurs petits défauts, les montrant dans ce qu’ils ont de plus humain, leurs faiblesses, laissant transparaître un grand amour de ces créatures quelque peu ridicules et dérisoires, peignant avec humour les traits de cette société à échelle réduite. La révolte contre la dictature du chef d’orchestre semble désespérément vaine, les musiciens remplaçant l’homme par une machine, le métronome, et c’est finalement un évènement extérieur qui parviendra à créer une osmose, une nouvelle harmonie qui ne se révélera que provisoire. A découvrir d’urgence !
mardi 6 avril 2010
Sur la route de Madison (Clint Eastwood, 1995)
La frontière entre un bon et un mauvais mélodrame est ténue, et les sentiments affichés ont vite fait de tourner au grotesque. « Sur la route de Madison » gravite autour de cette limite, mais se situe heureusement du bon côté de la barrière : les procédés émotionnels sont certes éminemment manipulateurs et le scénario tient en deux lignes et pourtant, porté par la prestation des deux acteurs et par la justesse de sa représentation de l’amour naissant, l’œuvre de Clint Eastwood est dans son genre redoutable d’efficacité, jusqu’à toucher même les plus réticents aux effusions et drames grandiloquents.
mardi 30 mars 2010
Scum (Clarke, 1979)
Une maison de redressement en Angleterre à l’aube des années 80 : avec une rigueur documentaire, Alan Clarke décrit un quotidien fait de brimades, de violences, d’horreur. Un univers carcéral cauchemardesque et sans issue, d’une absurdité à faire froid dans le dos, véritable usine à fabriquer des bêtes sauvages tant on ne laisse d’autre possibilité aux adolescents. « Scum » est un film éprouvant, dur, qui, s’il ne nous épargne aucune vision d’horreur, ne le fait pas moins dénué de tout artifice. Froidement, de manière chirurgicale, Alan Clarke décortique les mécanismes de domination en vigueur dans la prison : les hiérarchies parmi les adolescents peuvent évoluer, mais les matons restent les seuls maîtres à bord, bourreaux vicieux et sans pitié, eux-mêmes victimes d’un autre système hiérarchique que l’on devine. Le tout sans jugement moral, juste un simple constat sur ces vies gâchées et sans avenir. Pour survivre, il faut faire preuve de force, physique ou morale, mais l’on est finalement inéluctablement rattrapé par la violence comme seul moyen d’expression, de lutte et d’existence.
Comme son cousin éloigné d’ « Orange mécanique », « Scum » dépeint une société cynique n’ayant plus comme seule réponse à la violence qu’une répression brutale et vide de sens, immorale et sans issue. A l’opposé esthétique du film de Kubrick de par sa sobriété et son réalisme, l’œuvre d’Alan Clarke n’en demeure pas moins une œuvre également puissante et édifiante. Un chef d’œuvre.
Comme son cousin éloigné d’ « Orange mécanique », « Scum » dépeint une société cynique n’ayant plus comme seule réponse à la violence qu’une répression brutale et vide de sens, immorale et sans issue. A l’opposé esthétique du film de Kubrick de par sa sobriété et son réalisme, l’œuvre d’Alan Clarke n’en demeure pas moins une œuvre également puissante et édifiante. Un chef d’œuvre.
Mary and Max (Elliot, 2009)
Film d’animation australien, « Mary and Max » ne fait certes pas preuve d’une grande originalité dans sa narration de l’échange épistolaire entre cette petite fille australienne et ce vieil homme new-yorkais, représentant deux êtres pareillement seuls qui créent un lien malgré la distance. Un scénario classique donc, qui pourrait faire craindre un sentimentalisme agaçant, et pourtant il n’en est rien : l’humour désabusé et corrosif avec lequel est traité le sujet permet d’éviter cet écueil, abordant cette petite histoire avec poésie, accompagné par la voix du narrateur qui imprime un certain détachement aux malheurs des deux « héros ». Si bien qu’il est difficile de rester insensible à cet agréable divertissement tout empreint d’une douce mélancolie...
vendredi 26 mars 2010
Made in Britain (Clarke, 1982)
« Made in Britain » n’est pas un film sur le rejet et la rébellion, il est le rejet et la rébellion incarnés. Rythmé par la haine et le refus du mensonge d’un jeune skin raciste, le film d’Alan Clarke se contente d’être plutôt que d’expliquer, d’asséner plutôt que d’argumenter, porté par la superbe performance du personnage principal, en quête d’excès pour prouver sa liberté jusqu’à atteindre le point de non-retour. C’est brut, rythmé, très « british » et plutôt pas mal au final.
jeudi 25 mars 2010
Scènes de la vie conjugale (Bergman, 1973)
Chronique de presque 3h relatant différentes époques de la vie d’un couple sur plus de 20 ans, « Scènes de la vie conjugale » marque l’apothéose de Bergman en tant que cinéaste de la psychologie humaine :
Un couple, un regard, et la distance de l’image au spectateur disparaît tant le propos est juste. Complet également, tant l’éventail des pensées, des sentiments, des peurs, des non-dits, des émotions semble couvrir l’intégralité du spectre des questionnements amoureux, jusqu’à ce que cela en devienne vertigineux. A se sentir mal à l’aise même parfois, pris en flagrant délit de voyeurisme tandis que l’on observe de si près les déchirements, dans l’impossibilité de se dérober à ce qui se passe sous nos yeux, hypnotisé par les gros plans omniprésents sur les visages des protagonistes. A devenir soit même un participant, prenant conscience par le regard tout comme le couple à l’écran débute son questionnement en observant le déchirement d’un autre. Et le constat est amer : l’amour absolu semble impossible, on assiste à la place à la naissance d’une profonde tendresse, sentiment semblant le plus vrai au final, qui aura finalement été engendré par la haine de l’un pour l’autre, mais aussi par la prise de conscience de sa vulnérabilité, ou de sa force, de son humanité tout simplement. Le poids des conventions familiales est omniprésent en fond, ajoutant encore aux difficultés de devenir soi-même, à trouver un impossible équilibre entre ses envies éphémères et le confort lassant de l’habitude. Chef-d’œuvre.
Un couple, un regard, et la distance de l’image au spectateur disparaît tant le propos est juste. Complet également, tant l’éventail des pensées, des sentiments, des peurs, des non-dits, des émotions semble couvrir l’intégralité du spectre des questionnements amoureux, jusqu’à ce que cela en devienne vertigineux. A se sentir mal à l’aise même parfois, pris en flagrant délit de voyeurisme tandis que l’on observe de si près les déchirements, dans l’impossibilité de se dérober à ce qui se passe sous nos yeux, hypnotisé par les gros plans omniprésents sur les visages des protagonistes. A devenir soit même un participant, prenant conscience par le regard tout comme le couple à l’écran débute son questionnement en observant le déchirement d’un autre. Et le constat est amer : l’amour absolu semble impossible, on assiste à la place à la naissance d’une profonde tendresse, sentiment semblant le plus vrai au final, qui aura finalement été engendré par la haine de l’un pour l’autre, mais aussi par la prise de conscience de sa vulnérabilité, ou de sa force, de son humanité tout simplement. Le poids des conventions familiales est omniprésent en fond, ajoutant encore aux difficultés de devenir soi-même, à trouver un impossible équilibre entre ses envies éphémères et le confort lassant de l’habitude. Chef-d’œuvre.
mercredi 24 mars 2010
Le dernier métro (Truffaut, 1980)
Dans « Le dernier métro », Truffaut s’intéresse au microcosme d’un petit théâtre parisien sous l’Occupation. On délaisse ici le général pour le particulier, pour entrer dans un monde certes à part mais qui se trouve dans l’impossibilité de s’auto suffire, si bien que les compromis sont inévitables. Ce qui soulève en conséquence un questionnement sur la survie de l’Art face à la censure, mais aussi sur l’artiste qui se voit contraint de choisir entre la pratique d’un art castré ou l’abandon de celui-ci pour s’engager dans la Résistance. Jouant sur les dualités entre réalité et illusion, entre visible et caché, Truffaut réalise un film classique et efficace, porté par des acteurs convaincants.
mercredi 17 mars 2010
Le pas suspendu de la cigogne (Angelopoulos, 19991)
Le bruissement des vagues, une terre grise sombrant dans la grisaille, la neige tombante : Angelopoulos confère aux éléments de la nature un pouvoir hypnotique, berçant. Menaçant aussi, mais surtout tout empreint d’une profonde mélancolie. Happé par la lenteur et la perfection géométrique des images, on s’immerge dans cette vision en-dehors du temps, aux règles propres : chaque mot importe, chaque phrase est définitive, et les instants musicaux qui rompent le maître silence atteignent par leur indicible tristesse une beauté sublime. Pourtant, bien qu’infiniment esthétique, la réalisation croise le documentaire, tant Angelopoulos laisse le spectateur seul face aux images, sans explication. C’est dans cet univers, à la fois brut par sa distanciation et incroyablement émotionnel de par sa beauté esthétique que se déroule « Le pas suspendu de la Cigogne ». Regard sur l’exil, sur la terreur de la frontière, sur la politique et la poésie, l’œuvre du cinéaste grec place le spectateur en état de contemplation critique face au monde, envahit par une sourde résistance, emplit d’une profonde nostalgie.
jeudi 4 mars 2010
Les diables (Ken Russell, 1970)
Basé sur une histoire vraie, « Les Diables » est pourtant aux antipodes de la reconstitution historique classique: loin d’un quelconque souci de vraisemblance, Ken Russell préfère s’attacher à l’horreur pour marquer son propos et aux visuels hallucinés pour convaincre le spectateur. Qui de toute façon n’en ressortira pas indemne… Car c’est une véritable déflagration que cette œuvre surréaliste qui dresse une accusation sans pitié face à la corruption et l’injustice d’une Eglise inquisitrice au Moyen-âge. Nerveuse, parfois hystérique, la mise en scène alterne visions cruelles et sanguinolentes et digressions érotico-oniriques malsaines, sans oublier une bonne dose d’esprit contestataire et psychédélique des 70’s. Qu’importent les décors et les déguisements pas toujours très crédibles (le prêtre-exorciste ressemble plus à un acolyte de John Lennon qu’à un religieux du Moyen-âge), le tourbillon visuel aura raison de nous. Et tant pis pour les exagérations qui prévalent sur une certaine profondeur, « Les Diables » est une œuvre à part, excessive et démesurée, existant pour et par le force de ses images.
mardi 2 mars 2010
Sourires d'une nuit d'été (Bergman, 1955)
"Sourires d'une nuit d'été" surprend dès le générique en annonçant crânement son genre, la "comédie romantique". Plutôt saugrenu pour un Bergman... Et c'est donc sur le ton d'un vaudeville subtil et intelligent que le récit prend forme, s'intéressant aux tourbillons amoureux et (ou) libertins d'un microcosme de bourgeois. Entre quelques répliques acerbes et cyniques et un questionnement habile sur la façon d'être en amour, l'émotion perce au détour des scènes dévoilant l'intimité des couples qui se forment. Réflexion sur l'amour, la jalousie, l'impossibilité de vivre son amour, "Sourires d'une nuit d'été" s'accapare la légèreté et l'humour des comédies romantiques en y ajoutant une profondeur inhabituelle, une intelligence toute "bergmanienne" et un vague désespoir latent qui enrobe cette œuvre.
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